À propos d’une proposition du PS.
Face aux 44 milliards « d’économies » du plan Bayrou, le Parti socialiste a élaboré un contre-budget. Il cherche à rendre l’austérité plus « acceptable » avec « seulement » 22 milliards de coupes. L’une des mesures de ce projet, censée montrer la « rupture » à gauche avec le macronisme, est la baisse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les salaires allant jusqu’à 1,4 SMIC (1 920 €). Elle permettrait de « redonner du pouvoir d’achat » aux plus petits salaires et serait compensée par une taxe de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros, inspirée de la « taxe Zucman ». Il n’est, par contre, pas question dans ce projet de revalorisation du SMIC ni de hausse des salaires.
Cette proposition s’inscrit en réalité dans la continuité des politiques libérales d’austérité et de démantèlement de la protection sociale de la droite et du centre. Sans surprise, elle a été favorablement accueillie par le Premier ministre, Sébastien Lecornu.
La CSG contre les cotisations
La CSG a été créée par le gouvernement socialiste de Michel Rocard en 1991, sous le second mandat de François Mitterrand. Cet impôt, destiné à financer la protection sociale, est censé mettre à contribution « tous les revenus » (salaires, retraites, prestations sociales, revenus du patrimoine, gains sur les jeux). Dans la réalité, ce sont avant tout les classes populaires sur qui repose la CSG. À l’origine de 1,1 %, son taux pour les salariéEs est aujourd’hui de 9,2 %.
L’offensive libérale menée contre la Sécurité sociale est double. D’un côté, le verrouillage des dépenses la transforme en une couverture minimum insuffisante (contre-réformes du système de santé et des retraites). De l’autre, la montée en puissance de la CSG permet la diminution des cotisations sociales : un impôt reposant avant tout sur les classes populaires se substitue aux obligations salariales des employeurs.
En 1980, la Sécurité sociale était financée à 96,9 % par des cotisations. En 2023, cette part n’était plus que de 56,4 %, tandis que celle de la CSG représentait 20,1 %, complétée par 18 % d’autres contributions sociales, impôts et taxes. La part des entreprises publiques et privées dans le financement de la Sécurité sociale n’était plus que de 54,4 %, alors que celle des « ménages » atteignait 45,6 %.
Dans une société capitaliste en crise, où la croissance et les gains de productivité sont faibles, le système a besoin de l’assistanat de l’État pour assurer le maintien des profits et garantir sa survie au prix du creusement de la dette, que les classes populaires sont ensuite sommées de rembourser.
Un rééquilibrage dérisoire
La proposition du PS de réduire la CSG pour les plus petits salaires ne met pas en cause cette mécanique : elle cherche seulement à en moduler les effets en répartissant l’effort de manière un peu plus équitable, pour la rendre socialement acceptable. Les 6 milliards de pouvoir d’achat « redonnés » à une partie des salariéEs, que les plus hauts revenus devront compenser, apparaissent dérisoires face aux 211 milliards d’aides aux entreprises, dont plus de 80 sont des allègements de cotisations sociales.
La proposition du PS ne répond en rien à la colère contre l’injustice sociale qui s’est exprimée lors des manifestations des 10 et 18 septembre et du 2 octobre. Elle est bien en deçà de ce qu’avait accepté le PS lui-même en signant le programme du Nouveau Front populaire, qui prévoyait la hausse du SMIC à 1 600 € net et l’indexation des salaires sur l’inflation. Il s’agit avant tout de tendre une perche acceptable par la macronie en vue d’un accord de « non-censure ».
Pour redonner du pouvoir d’achat aux classes populaires, la réponse est dans l’augmentation des salaires (qui implique la hausse des cotisations sociales), leur indexation sur l’inflation, la fin des exonérations de cotisations sociales, la fin des emplois précaires — en un mot, un déplacement du partage de la richesse entre salaires et profits, qui suppose un affrontement majeur avec la classe dominante.
J.-C. Delavigne